Ces dernières imaginent des solutions, mettent en place celles-ci mais surtout ont de la mémoire. Cette mémoire permet d’anticiper les risques, de maitriser des situations et de prévoir la survenance d’un risque que celui-ci soit naturel (inondation, avalanche, tremblement de terre…) ou artificiel (émeutes, accidents, conflits…). Cette question de la mémoire dans une optique sécuritaire est importante et justifie d’être traitée sous différents angles :
- La machine doit-elle être substituée à l’homme.
- L’homme point de vulnérabilité ou de force du secret.
- La mémoire au service de la sécurisation des entreprises
- L’homme et les solutions de sécurité algorithmiques un équilibre fragile
- La Société et les solutions de sécurité algorithmiques un équilibre précaire
Troisième partie : la mémoire au service de la sécurisation des entreprises
La sécurité des entreprises ne peut pas se résumer à une barrière à l’entrée, un vigile et une hôtesse qui vous tend un badge. Comme cela a été évoqué à de multiples reprises, l’entreprise est profondément dépendante de son immeuble et de l’environnement de celui-ci.
Son immeuble est à la fois le château-fort qui lui permet de d’extraire du monde environnant ses personnels mais aussi de préserver ses plus-values que sont ses contrats, ses recherches, ses développements commerciaux, son organisation…
Ce même immeuble est aussi un point de vulnérabilité évident, son adresse étant aisée à connaitre et à observer et, son environnement peut être en lui-même porteur de menaces pour ses personnels ou son image.
La notion de sécurité pour une entreprise doit se concevoir d’une façon globale.
En cela les démarches menées par Alain Juillet en tant que Haut Responsable à l’Intelligence Économique puis ses successeurs en charge de la Délégation Interministérielle à l’Intelligence Économique (D2IE) avaient cette vision globale qui s’est ensuite, au moment du passage au CISSE, recentré sur l’Information dite Sensible clef de la Sécurité Économique.
Relire les publications de la D2IE (guide pratique, guide du routard de l’IE…) c’est percevoir que la démarche de sécurisation couvrait, et concerne encore, un champ très large, les voyages des personnels, leur présence à l’étranger, l’emport d’équipements électroniques, des règles de bonne conduite, de discrétion, de prudence…tout cela visant à substituer à une forme de candeur la rigueur qui elle seule peut protéger l’entreprise.
L’irruption des réseaux sociaux et le développement de l’espionnage industriel à grande échelle ne facilitent pas cette sécurisation. La quête d’un savoir-faire, ou l’identification de l’endroit où elle se situe ou de la personne qui peut en avoir connaissance, pouvant être réalisée tout autant au travers de profils mis en ligne sur Internet au travers des sites à finalité duale personnelle et professionnelle (Facebook ou LinkedIn par exemple) que par des démarches plus fines, d’entretien d’embauche factices qui permettent à un désappointé de son travail l’exprimant sur ses réseaux, d’être identifié, repéré, contacté et flatté lui offrant l’occasion de vider son sac…dans lequel il y a souvent des informations dont lui-même minore l’importance (hommes clefs, sites discrets, partenaires ou sous-traitants, déplacements, projets…).
Cette protection de l’entreprise passe aussi par la maitrise complète et continue de ces procédures et la mise en place de méthodologies idoines.
La mémoire de ce qu’a connu l’entreprise est de ce point de vue un élément essentiel. La protection du savoir-faire des entreprises est devenue une préoccupation majeure. Le savoir-faire, qui englobe les connaissances techniques, les processus internes, les pratiques commerciales et les secrets de fabrication, est souvent l’un des atouts les plus précieux d’une entreprise. L’ingénieur est concerné mais aussi l’ouvrier qui peut adapter de sa propre initiative un processus et qui, en l’absence de formalisation, restera dans sa mémoire et partira avec lui. Bien entendu, les chercheurs accumulent dans leur mémoire des expériences passées, des échecs et des succès, il en est même des personnels opérationnels qui peuvent ajouter à une recherche fondamentale voire expérimentale les atouts de connaissances tacites et de compétences pratiques qui méritent d’être formalisées ou documentées. Ce sont eux qui ont la capacité de se souvenir des processus efficaces, des meilleures pratiques et des défis rencontrés dans l’exécution quotidienne de leurs tâches est essentielle pour assurer la qualité et l’efficacité des opérations de l’entreprise.
La perte de savoir-faire que connait depuis quelques temps en France la filière du nucléaire en est le vivant exemple. De pays à la pointe de cette industrie, la France, confrontée aux atermoiements et changements de cap des politiques, s’était mise dans une posture de sortie progressive du nucléaire. Quand il a fallu, récemment, inverser le mouvement pour s’adapter à une nouvelle donne politique, s’est discrètement engagée une course contre la montre pour récupérer auprès d’anciens salariés, partis à la retraite (ou ailleurs), la mémoire de ce qu’ils avaient fait.
Il est donc d’une grande importance pour l’entreprise de mettre en place la méthodologie qui va lui permettre de ne pas, au sens propre, perdre la mémoire.
Le préalable est la diffusion d’une culture d’entreprise insistant sur l’importance de ce savoir-faire transmissible. Mais ceci doit s’accompagner d’outils simples qui permettent la collecte en temps réel de cette information et qui viennent en quelque sorte remplacer les boites à idées des temps anciens. On peut évoquer en ce sens l’intérêt de SafeCloudBox qui comme son nom l’indique vise à proposer un outil de cette nature (www.safecloudbox.fr) sécurisé et français. On notera aussi la société Ardans (www.ardans.fr) qui a fait du management de la connaissance son axe de développement. On serait même tenté de voir travailler ensemble ces deux entreprises tricolores et donner à EDF, qui protège ses données industrielles via Amazon ! (beaucoup plus de ! serait justifié), le conseil de les solliciter.
Il convient de préciser, en conclusion, que cette question de la sécurisation des entreprises n’est pas l’apanage des grandes entreprises.
Cette préoccupation doit être au centre des préoccupations de toutes les entreprises tant industrielles que de services et pour tous les secteurs d’activités. Les chefs cuisiniers l’ont bien compris et ce depuis longtemps proposant au travers de leurs livres de recettes la préservation et la transmission de la mémoire de leur savoir-faire et de leur « tour de main ». Si les sœurs Tatin, Escoffier, Guérard ou autres sont encore dans nos têtes, estomacs et dans nos cuisines c’est qu’ils ont parfaitement su mesurer l’intérêt tant économique que pratique de cette démarche visant à mettre leur mémoire dans une boite sécurisée qui serait un livre. Ne pas le faire c’est prendre le risque de se faire déposséder de ses inventions, comme l’a été en son temps N.Tesla par T.Edison, au point d’être associé aujourd’hui à des voitures et non plus au courant alternatif.
Nicolas LEREGLE
Avocat au barreau de Paris
Associé RESPONSABLES